Nos pères, nos frères, nos amis – Dans la tête des hommes violents de Mathieu Palain

Présentation de l’éditeur : Nos pères, nos frères, nos amis est une enquête immersive, un livre essentiel pour comprendre un point aveugle de notre société
« La petite graine de la violence, elle pousse, elle pousse, et je pense que cette graine est en moi depuis longtemps, elle fait partie de mon bagage, de ce que m’ont transmis mes parents. La violence surgit comme un instinct animal, et vous murmure à l’oreille : ‘C’est la faute de l’autre.' »
Pendant quatre ans, le journaliste Mathieu Palain s’est rendu dans des groupes de parole, dans une Maison des femmes, à des auditions judiciaires. Il a eu accès à des histoires et des témoignages d’une rare puissance.

Avis : Je me souviens encore très bien de la série d’émissions diffusée début 2020 dans Les Pieds sur Terre. Ça m’avait marquée à l’époque. Surtout l’histoire de Cécile dans le premier épisode. C’était aussi dur qu’injuste puisqu’elle se retrouvait à suivre le même stage sur la violence que son agresseur alors qu’elle était la victime. (Heureusement, pas en même temps.) Le livre de Mathieu Palain revient sur ce long reportage sur les hommes violents et prolonge le questionnement initial pour tenter de trouver des réponses aux questions que beaucoup se posent : qui, pourquoi et surtout comment y mettre un terme ? Si cela est possible, bien entendu.

On ne va pas se mentir, on ne ressort pas optimiste de cette lecture, même s’il amène à un peu mieux cerner les nœuds du problème. Sans surprise, comme beaucoup de dysfonctionnements bien ancrés dans nos sociétés, tout ça est l’œuvre de cercles vicieux qui se sont mis en place il y a longtemps et qui se perpétuent encore et encore de génération en génération. La remise en question et le travail thérapeutique de l’adulte semblent quasi impossibles sans beaucoup de volonté et la solution se trouve encore et toujours dans l’éducation au plus jeune âge, au même titre qu’en matière de respect, de sexualité, de consentement (et sur ce sujet, je vais renvoyer à l’excellent épisode d’un Podcast à Soi sur l’autodéfense des enfants). Mais rien n’est mis en place pour plein de mauvaises raisons.

Ce qui a été plus surprenant, c’est le retour sur l’histoire de Cécile, car elle se poursuit et montre que les choses n’étaient pas si simples. La jeune femme en parle d’ailleurs avec beaucoup de clairvoyance et d’intelligence. C’est là où il devient évident qu’il faut prendre le problème des violences intrafamiliales dans leur globalité, c’est-à-dire des deux côtés et pas juste du côté de l’agresseur. Et je ne me risquerai pas à aller plus loin ici, parce qu’il n’est pas question d’ôter aux victimes leur statut. Le livre souligne avec beaucoup de pertinence que c’est aussi souvent en lien avec la rencontre de deux personnes qui ont connu cette violence dans leur enfance, l’ont intégrée d’une façon ou d’une autre (donneur ou receveur) et n’ont pas conscience qu’elle est toujours là. Ça va bien au-delà de la simple question de qui est l’agresseur et qui est la victime. Mais là encore, c’est un sujet très touchy à l’heure où le statut de victime est aussi figé et que l’on en arrive à parler de « bonne » et de « mauvaise » victime.

Le seul reproche que je pourrais faire à ce livre qu’il faut lire pour comprendre, c’est qu’il reste un angle mort qui n’a pas du tout été effleuré et qui, pourtant, fait partie du problème : les violences conjugales chez les gendarmes et les policiers. Comment espérer que les plaintes soient prises au sérieux si une partie de ceux qui les reçoivent minimisent les faits, puisqu’ils font exactement la même chose à la maison et que c’est normal pour eux ?

Pour le reste, si le sujet vous interpelle et que vous êtes dans les bonnes dispositions mentales pour l’encaisser, allez-y. Ça laisse un goût amer en bouche, mais ça ouvre encore un peu plus les yeux.

Note : En complément, je vais recommander un autre épisode d’un Podcast à soi : Quand les pères font la loi. Beaucoup de constats se recoupent.