C’est l’Inuit qui gardera le souvenir du Blanc de Lilian Bathelot
Présentation de l’éditeur : 2089, dans une société hypertechnologique, tous les habitants de la planète sont reliés au réseau de surveillance de leur zone gouvernementale. Les territoires inuits, pourtant, ne suivent pas la règle commune ; là, pas de surveillance, une certaine liberté et de grands espaces sauvages où l’on peut retrouver la nature et des gestes ataviques. Les gouvernements planétaires tentent désespérément de trouver une parade à cette indépendance qui a, semble‑t‑il, fort à voir avec les narvals, et leur sonar si particulier. La jeune chercheuse inuit Kisimiippunga vient de terminer le rite ancestral de la Première Chasse. Alors qu’elle est seule au milieu de nulle part, elle voit surgir un traîneau sur lequel elle découvre un Européen blessé. Qui est‑il et que vient‑il faire ici ?
Avis : Derrière ce titre mi-poétique, mi-cryptique se cache en fait un roman mi-thriller, mi-science-fiction. Ou, pour être plus exacte, un thriller d’anticipation. En tout cas, c’est ce que dit une petite ligne à l’arrière du livre. On y découvre un monde divisé en deux avec une zone sécurisée où les habitants portent un implant et sont surveillés en permanence d’une part et une zone franche où la liberté et les traditions sont respectées d’autre part. Le besoin de contrôle des uns vient se heurter au besoin de vivre en paix des autres et chacun essaye de défendre son bifteck. Rien de bien inédit dans cette mise en situation pour les habitués de romans d’anticipation et de dystopies, hormis peut-être le fait de choisir une héroïne Inuite et de situer une partie de l’action au Groenland. Et encore… Smilla et l’Amour de la neige de Peter Høeg est déjà passé par là il y a 25 ans.
Les intentions philosophiques de l’auteur auraient pu être louables si elles avaient été un peu plus élaborées et plus originales, mais aux trois quarts du livre, les enjeux peinent encore à captiver. D’ailleurs, quel est vraiment l’enjeu du livre ? Est-ce le destin de l’héroïne ou est-ce le respect de cette frontière entre les deux mondes ? L’auteur ne donne jamais vraiment assez d’éléments au lecteur pour qu’il puisse choisir son camp, au grand risque de le voir se désintéresser assez vite de cette dichotomie. Il reste alors la possibilité de se raccrocher aux trajectoires des personnages, mais là encore c’est trop caricatural et superficiel. (Et cette manie d’utiliser « fille » pour qualifier les femmes de l’histoire.) Il faut dire que tout se déroule en deux jours avec deux groupes de personnes, dont un est absolument statique. Pour trouver de l’action, c’est ailleurs qu’il faut chercher, même s’il y a une tentative maladroite à la fin, avec un passage perturbant de l’usage du passé à celui du présent pour essayer de dynamiser les événements. Je ne m’attarderai pas plus sur l’aspect « technologies futuristes » qui est censé donner corps au côté science-fiction. Il ne vient qu’en appui, mais là encore, rien de très original.
En essayant de comprendre le petit engouement autour de ce livre, j’ai lu çà et là qu’il s’adresserait plutôt à un public adolescent, rayon dans lequel il n’est pas proposé. Et, en effet, il peut peut-être servir de porte d’entrée sur l’univers de l’anticipation. Le lecteur exigeant, quant à lui, passera son chemin, car ce roman est trop court pour développer tout ce qu’il y avait à développer afin de donner un peu plus de consistance au contexte, aux personnages et à l’histoire. Et si vous souhaitez vraiment découvrir les Inuits et leurs coutumes, mieux vaut vous tourner vers le rayon ethnologie.
6 comments
Préambule
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un certain nombre de posts sont actuellement hors ligne. Ce blog a plus de 20 ans maintenant et, au fil du temps, des liens se sont cassés, des images hébergées ailleurs ont disparu, le grand Internet a bougé, ma vie aussi, et en plus, je suis devenue correctrice entretemps. C'est dire si, aujourd'hui, ce blog a besoin d'un grand nettoyage de printemps.
Même si je ne poste plus autant qu'avant, c'est un lieu précieux pour moi.
En septembre 2024, j'ai refait la déco. Viendra ensuite la mise à jour du contenu. Un travail long et fastidieux puisque j'ai accumulé près de 2800 posts. Je donnerai la priorité aux avis, puis le reste suivra petit à petit.
Bonne visite !
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etes vous Monsieur , défenseur des Inuîts ou par quel malencontreux hasard vous êtes vous retrouvé perdu dans l’immensité blanche des pages de ce livre que je n’ai pas encore lu ?
En l’occurrence, je suis une femme. Et je pense que la question ne s’adresse pas à moi, mais à l’auteur du livre, que je ne suis pas 🙂
J’ai lu ce roman « C’est l’inuit qui gardera le souvenir du blanc » récemment et je l’ai beaucoup apprécié. Les éléments d’anticipation dont il fait état sont tellement plausibles, presque à nos portes que rien ne m’a paru déplacé. Il n’a pas trainé sur ma table de cheve, le style est efficace, ciselé, pas ennuyeux, jusqu’qu’à la surprise de la fin à laquelle je ne m’attendais pas. Je vous trouve injuste avec l’auteur, cette histoire peut vraiment être très pédagogique pour les ados et les adultes ! et surtout plausible …
Pour les ados oui, pour les non-habitués de l’anticipation aussi. C’est d’ailleurs ce que je dis à la fin de mon avis. C’est une porte d’entrée. Je ne suis ni l’un ni l’autre. Si le livre ne m’a pas plu, c’est avant tout parce que je ne suis pas son public cible. Mais c’était difficile à savoir avant d’avoir lu le livre en fait. Les Furtifs de Damasio est autrement plus plausible selon moi, beaucoup plus à nos portes et questionne beaucoup plus notre rapport au monde. Pareil pour Carbone et Silicium de Bablet qui embrasse vraiment les problèmes actuels (notamment climatiques) pour les porter dans un futur très lointain.
Bonjour, je ne suis pas du tout d’accord avec votre comparaison concernant Damasio. Je trouve que Bathelot restitue une critique sociale beaucoup plus fine dans ce livre, et dans d’autres comme Simple Mortelle, parce qu’il montre les multiples petits engrenages par lequel un système tient, ainsi que l’humanité des personnages, alors que Damasio a une certaine lourdeur car il ne peut pas s’empêcher de prêcher du Foucault à longueur de page, et seul son personnage central a un cerveau si je puis dire, les autres sont des faire valoir. Son sexisme peut aussi être très agaçant. Bref c’est brillant mais très égocentré, la prose de Bathelot est plus généreuse. J’aime beaucoup son regard sur ses personnages.
Nous avons chacun et chacune notre sensibilité propre. Et c’est très bien ainsi 🙂