C’est toi ma maman ? d’Alison Bechdel

Quatrième de couverture : Alison Bechdel tourne le scanner ravageur de sa lucidité et de son humour vers sa mère : lectrice vorace, mélomane invétérée, ardente actrice amateur. Mais aussi, épouse infortunée d’un gay du placard, mère dont les aspirations artistiques ont bouleversé l’existence de sa fille, mais qui a cessé de la toucher et de l’embrasser à l’âge de sept ans. Retour sur les replis d’une enfance singulière.

Avis : J’ai lu Fun Home en début d’année et il m’avait laissée sur une impression mitigée. J’avais aimé le parcours de découverte de l’homosexualité de l’autrice, la quête du père et la révélation du secret de famille associé, mais j’avais trouvé l’ensemble décousu et parfois difficilement accessible à cause des références littéraires trop américano-américaines. De toute évidence, ça ne m’a pas empêchée de poursuivre le périple avec le tome dédié à sa mère.

Première bonne surprise : cette fois, c’est cadré. Même si la chronologie des événements n’est pas toujours respectée, c’est beaucoup plus facile à suivre.
Deuxième bonne surprise : les livres cités et tous les extraits sont beaucoup plus pertinents et s’intègrent de façon plus logique à l’histoire.

Ce tome parle à la fois de la mère d’Alison Bechdel et du parcours psychanalytique et introspectif de l’autrice. C’est sans doute plus ardu et moins drôle à lire que le premier livre et je comprends que certaines personnes aient pu être rebutées. Pour ma part, je l’ai trouvé bien plus prenant, notamment parce que l’autrice a plus de recul sur son histoire personnelle et a plus d’outils pour l’analyser. Elle a également une écriture plus mature.

En partant à la recherche métaphorique de sa mère et donc d’elle-même, elle découvre l’existence des écrits et théories psychanalytiques de Donald Winnicott, à qui on doit les notions de vrai et faux self, de miroir de la mère, d’objets transitionnels et pas mal de travaux sur la construction de l’enfant, en particulier à travers la relation à la mère et à la famille. De là, elle tisse tout un parallèle dans lequel se disent beaucoup de choses profondes.

Je ne pensais pas écrire un jour un avis faisant de la publicité pour la psychanalyse, alors que je ne suis pas particulièrement réceptive habituellement, mais là, j’avoue que les apports de Winnicott sont très éclairants. Cette lecture a nourri mes propres réflexions sur plein de plans, ce qui explique sans doute pourquoi j’ai autant apprécié ce tome.

En parallèle de sa quête de mère, elle parle aussi de ses relations avec ses compagnes successives et de l’évolution de sa carrière dans la BD. Il y a d’ailleurs une mise en abyme, puisqu’elle relate l’écriture de Fun Home. Chose encore plus curieuse, cette BD est sortie peu de temps avant la mort de sa mère.

Autre aspect intéressant qu’il faut aller lire un peu plus entre les lignes, c’est qu’Alison Bechdel est neuroatypique. Elle mentionnait déjà ses TOC dans le premier tome, ici, elle glisse subrepticement le fait qu’elle a un TDAH. Avec une narration qui montre tout et dit tout, on ne va pas se mentir, ça résonne parfois fort quand on est soi-même en décalage.

C’est toi ma maman ? n’est pas une BD qu’on lit pour se détendre un soir au coin du feu et je ne la recommanderais pas à tout le monde. Sa lecture prend du temps et peut remuer un peu, mais ça vaut vraiment le coup si vous vous étiez senti quelques affinités avec l’autrice dans Fun Home.